Loi sur les Gondoles : Présage de Choses à Venir ?

Le 20 novembre 2019, la chambre basse du Congrès argentin a approuvé un projet de loi connu sous le nom de « Ley de Góndolas » ou en français « Loi sur les Gondoles ». [1] Le projet de loi sera maintenant soumis au vote du Sénat, prévu lors de sessions spéciales dans les deux à trois prochains mois. Nous croyons que la Loi sur les Gondoles deviendra bientôt loi dans une version très proche de l’actuelle.

La Loi sur les Gondoles contient une série de mesures controversées qui, si elles sont adoptées, changeront radicalement le paysage en Argentine en matière de marketing et de présentation des biens de consommation. Ces mesures réglementent une attribution maximale d’espace sur les rayonnages des magasins ou sur les pages web. Dans une économie relativement petite comme celle de l’Argentine, cela aura un impact immédiatement visible, car un petit nombre de marques de produits de consommation dominent depuis des décennies les plateformes physiques et numériques du pays.

La Loi sur les Gondoles s’applique aux supermarchés, aux magasins en libre-service, aux autres points de vente de produits non alimentaires et à certains magasins vente en gros de produits. [2] Les produits visés par la législation comprennent les aliments, les boissons, l’hygiène personnelle et les produits de nettoyage. La loi réserve à l’agence d’application gouvernementale le pouvoir de créer une liste encore plus étendue de produits réglementés.

Dans les allées des supermarchés et dans les ventes en ligne, cela signifie :

• Aucun vendeur ne peut occuper plus de 30 % de l’espace total des produits.
• Pour chaque catégorie de produit, il doit y avoir au moins cinq vendeurs différents (non liés).
• 25 % de l’espace doit être occupé par des petites entreprises ou des coopératives.
• 5 % de l’espace doit être alloué aux produits vendus par des exploitations familiales, des coopératives rurales, des organisations autochtones ou d’autres organisations de base.
• Les produits au prix le plus bas pour chaque catégorie doivent être placés sur une étagère intermédiaire et sur la première page d’un achat en ligne.

La Loi sur les Gondoles vise à protéger les fabricants locaux. La loi délègue à l’autorité d’application la définition d’un plafond (exprimé en pourcentage) sur les produits importés qui peuvent être exposés sur les étagères ou les pages web. Ce plafond sera « basé sur la capacité de l’industrie nationale à satisfaire la demande » pour les produits spécifiques.

La Loi sur les Gondoles viendra également en aide aux petites entreprises en interdisant les délais de paiement dépassant 60 jours. À une époque où l’économie argentine n’offre pas de financement commercial et où l’inflation avoisine les 50 % par an, la réduction des délais de paiement est significative. Les fabricants doivent actuellement attendre jusqu’à 180 jours (sans intérêt) avant d’être payés pour les biens livrés. [3] La Loi sur les Gondoles interdit également les pratiques courantes consistant à exiger des fabricants des contributions ou des « avances » ou des produits gratuits ou vendus en dessous du prix du marché, et d’autres pratiques qui donnent aux plus grands fabricants un avantage considérable sur les petites entreprises qui manquent de moyens financiers pour supporter ces conditions.

La Loi sur les Gondoles aborde un certain nombre de pratiques commerciales déloyales et de remèdes empruntés au droit antitrust. Cela inclut la nécessité pour les supermarchés de gros de grande envergure (ventes annuelles de plus de 7,92 milliards de pesos argentins) de respecter un « Code de Bonnes Pratiques ». Ce Code – à rédiger par l’autorité d’application gouvernementale – exigera certaines divulgations périodiques, spécifiera les comportements illicites et les pratiques commerciales spécifiques à la vente de produits de consommation, et imposera des amendes importantes en cas de violation.

Le moment choisi pour cette législation ne pourrait être plus ironique, alors que le gouvernement centriste-droit sort du pouvoir à la suite d’initiatives et de décrets le plus souvent associés aux gouvernements de centre-gauche comme celui qui prendra le pouvoir le 10 décembre. La Loi sur les Gondoles signale la tendance continue de l’Argentine à légiférer sur le comportement économique. Cela s’est produit en septembre avec le gel des prix de l’essence et les restrictions sur l’achat et le transfert de devises étrangères. [4] La Loi sur les Gondoles applique désormais une directive législative pour encourager l’achat de produits fabriqués par de plus petites entreprises nationales.

[1] Le projet de loi est disponible ici : https://enac.org.ar/download/multimedia.archivo.93ee2dc9107f3e03.676f6e646f6c617320746578746f2066696e616c20636f6e73656e737561646f2e706466.pdf.

[2] Article 1, Loi n° 18 425. La Loi sur les Gondoles exclut les petites et moyennes entreprises (actuellement définies comme des entreprises ayant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 23,6 millions de pesos argentins).

[3] Pour les exploitations familiales, les coopératives rurales et autochtones, les délais de paiement sont encore réduits à 40 jours.

[4] Voir : https://wsclegal.com/novedad/argentinas-temporary-foreign-exchange-regulations.