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La fin du « cepo » ?
Alerte spoiler: pas encore…
L’Argentine fait de nouveau les gros titres à l’international après avoir obtenu un nouveau programme d’aide du FMI pour 20 milliards de dollars. Dans le cadre de cet accord, l’administration Milei s’est engagée à permettre au peso argentin d’évoluer librement dans une bande comprise entre 1 000 et 1 400 ARS. La Banque centrale pourra intervenir sur le marché des changes — en utilisant les fonds du FMI — si le taux de change sort de cette fourchette.
L’administration Milei a saisi cette opportunité pour proclamer la « fin du cepo ». En espagnol, cepo signifie « verrou » ou « entrave » et désigne les contraintes et contrôles imposés aux résidents argentins pour convertir les pesos argentins en devises étrangères et de transférer ces devises à l’étranger. En déclarant la fin du cepo, le gouvernement argentin cherche à envoyer un signal fort à la communauté des investisseurs étrangers : les restrictions financières sont terminées et l’Argentine autorise désormais la libre circulation des capitaux. Ce changement de politique devrait rapidement se traduire par une croissance économique et une hausse des investissements directs étrangers.
Cependant, bien que le gouvernement proclame la fin du cepo (et sans douter de sa volonté sincère d’y mettre fin), les faits conduisent à une conclusion plus nuancée.
Quelles restrictions ont été levées ?
À l’appui de cette annonce, la Communication « A » 8226 de la Banque centrale allège ou supprime plusieurs restrictions relatives à l’achat et à l’envoi de devises. Ainsi :
- Les personnes physiques (c’est-à-dire les particuliers, mais pas les entreprises) peuvent désormais acheter ou vendre librement des dollars américains, détenir des dépôts en devises, retirer ces fonds en espèces ou les transférer à l’étranger.
- Les dividendes générés à partir du 1er janvier 2025 peuvent être distribués aux actionnaires non-résidents. Ce changement ne concerne pas les dividendes anticipés, mais uniquement ceux figurant dans des états financiers finalisés et approuvés. Pour les entreprises dont l’exercice fiscal se termine au 31 décembre, les premières distributions selon les nouvelles règles n’auront pas lieu avant avril 2026.
- Des paiements anticipés allant jusqu’à un certain pourcentage du prix total des biens d’équipement importés sont désormais autorisés.
- Les paiements de biens et services importés peuvent être effectués dans des délais plus courts qu’auparavant. Pour les biens, le paiement peut être réalisé dès le dédouanement. Pour les services, le délai est désormais de 30 jours après leur constatation (pour les parties non liées) et de 90 jours (en cas de services entre parties liées).
Quelles restrictions restent en vigueur ?
Jusqu’ici, tout va bien. Pourtant, malgré les annonces et les gros titres, plusieurs restrictions importantes demeurent :
- Les personnes morales (c’est-à-dire les entreprises) ne peuvent toujours pas acheter de devises sur le marché officiel pour des raisons de trésorerie ou à des fins non opérationnelles.
- Les recettes liées aux exportations doivent toujours être rapatriées et converties en pesos, sauf dans certains cas très limités pour les particuliers.[1]
- Les paiements pour les biens et services importés constatés avant le 12 décembre 2023 restent interdits.
- Les dividendes accumulés avant le 1er janvier 2025 ne peuvent pas être distribués aux actionnaires non résidents via le système bancaire argentin. [2]
- Le remboursement du principal des dettes financières (non commerciales) contractées à l’étranger entre parties liées — et dans certains cas entre parties non liées — demeure largement interdit, à quelques exceptions près.
Les paiements anticipés pour les biens importés (hors biens d’équipement) et les services restent interdits.
Une déclaration prématurée de la fin du cepo
Les annonces faites vendredi représentent une avancée importante vers un assouplissement du contrôle des changes et traduisent la volonté du gouvernement d’attirer des investisseurs étrangers. Mais soyons clairs : l’Argentine est encore loin de retrouver la liberté totale des mouvements de capitaux qui existait entre 2015 et 2019.
La capacité du gouvernement à rétablir ces conditions dépendra de divers facteurs internes et externes, notamment :
- Le taux d’inflation, indicateur sensible à l’approche des élections législatives d’octobre.
- La capacité à maintenir un budget équilibré face aux pressions pour relancer la dépense publique.
- L’accumulation de réserves de change pour soutenir le peso et restaurer la confiance des Argentins dans leur monnaie.
- Le contexte économique international et l’impact sur la dépendance historique aux exportations de matières premières de l’Argentine.
- Le rythme et le volume des investissements étrangers.
- Le résultat des élections législatives de 2025, qui constitueront un référendum national sur l’administration Milei et sa politique.
Oui, le cepo s’assouplit — mais il est encore loin d’avoir disparu.
Notes de bas de page
[1] En effet, le nouveau régime modifie l’obligation faite aux exportateurs argentins de rapatrier le produit de leurs exportations. Auparavant, ils devaient convertir 80 % de leurs recettes d’exportation sur le marché officiel des changes, tandis que les 20 % restants pouvaient être rapatriés au taux plus élevé affiché pour les opérations de swap sur titres (la fameuse règle du « 80/20 »). Depuis lundi, les exportateurs doivent désormais rapatrier et convertir 100 % de leurs recettes au taux de change officiel.
[2] Le gouvernement a annoncé l’émission d’une nouvelle série d’obligations souveraines libellées en dollars (les BOPREALs). Les entreprises souhaitant distribuer des dividendes relatifs aux exercices 2024 et avant ou rembourser des dettes commerciales contractées avant le 12 décembre 2023 peuvent acquérir ces obligations et les transférer à leurs actionnaires ou créanciers non résidents en guise de paiement. À l’heure actuelle, les conditions de cette nouvelle série de BOPREAL n’ont pas encore été publiées.
Si vous souhaitez discuter de cette question avec les avocats de Wiener Soto Caparros, n’hésitez pas à contacter notre auteur.
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