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Donald Trump VS Les Grands Cabinets D’Avocats: Quel Est l’Enjeu?
Le Président des Etats-Unis, Donald Trump, a lancé une politique radicale qui cible les cabinets juridiques les plus importants du pays – et du monde -. Cette initiative vise à les contraindre à signer un accord avec la Maison-Blanche, par lequel ils s’engagent à revoir leurs politiques de ressources humaines, en éliminant toute initiative liée à la diversité, à l’équité ainsi qu’à l’inclusion, et à fournir des services juridiques gratuits au gouvernement fédéral.
La mesure a suscité de vives réactions. Des cabinets de renom comme Jenner & Block et WilmerHale ont choisi de porter l’affaire devant les tribunaux pour contester les dispositions. D’autres, comme Paul Weiss et Skadden, ont décidé d’accepter les conditions proposées par l’administration Trump.
Cet article examine ce conflit et analyse comment il pourrait affecter l’ensemble de l’écosystème juridique, avec de potentielles répercussions à l’échelle mondiale.
Les Décrets de l’Administration Trump
«Depuis des années, les cabinets d’avocats jouent un rôle disproportionné dans le sabotage du processus judiciaire et la destruction des principes fondamentaux des Etats-Unis. Mon administration est déterminée à s’attaquer aux risques associés à ces cabinets, en particulier ceux que l’on appelle Big Law» [1].
Telle fut la déclaration du Président Trump en mars 2025, manifestant son intention de prendre des mesures de représailles non seulement contre ceux qu’il considère comme ses adversaires politiques, mais aussi contre les avocats qui les représentent.
Fin février et dans le courant du mois de mars 2025, Trump a signé une série de décrets accusant de prestigieux cabinets d’avocats d’Amérique du Nord de participer à des agissements préjudiciables envers les Etats-Unis [2]. Il leur reproche une prétendue collaboration dans des enquêtes judiciaires le visant personnellement, la représentation de figures politiques de l’opposition, la participation à des litiges qualifiés d’idéologiques ou partisans, la promotion de campagnes médiatiques visant à influencer des procédures pénales, l’abus du parrainage pro bono à des fins politiques et le recours à des avocats qui, selon le texte du décret, se seraient rendus coupables d’abus de pouvoir.
Restrictions et Suspensions Gouvernementales
Les décrets ont imposé une série de sanctions contre les cabinets d’avocats cités:
- Suspension de toute autorisation de sécurité permettant l’accès à des informations classifiées ou restreintes pour des raisons de sécurité nationale détenue par les employés des cabinets, en attendant un réexamen visant à déterminer si ces autorisations sont «compatibles avec l’intérêt national».
- Résiliation des contrats de services conclus avec le gouvernement national [3].
- Restriction de l’accès des employés des cabinets aux bâtiments du gouvernement national.
- Limitation des interactions entre les employés des cabinets et les agents du gouvernement fédéral, dans le but de «garantir la cohérence avec la sécurité nationale et les autres intérêts du pays».
La Réponse des Cabinets visés par le Décret
Les cabinets visés par les décrets ont réagi de façons différentes. Par exemple, le cabinet Paul Weiss (suivi par Skadden et d’autres) a choisi de parvenir à un accord avec le gouvernement, reconnaissant dans un cas une faute professionnelle commise par un ancien associé ayant participé aux poursuites pénales contre le Président. En échange de cette reconnaissance, le gouvernement a annulé le décret le concernant, et le cabinet a accepté une série de réformes visant à «promouvoir l’égalité, la justice et les principes qui renforcent la Nation», notamment : l’adoption d’une politique de neutralité dans le choix de ses clients et dans le recrutement des avocats, l’engagement à recruter selon des critères de mérite plutôt qu’à travers des politiques de «diversité, équité et inclusion», l’octroi de l’équivalent de 40 millions de dollars en services juridiques gratuits au gouvernement durant le mandat présidentiel en cours, dans des dossiers tels que l’assistance aux anciens combattants, l’équité dans le système judiciaire, la lutte contre l’antisémitisme et d’autres initiatives similaires.
D’autres cabinets ont décidé de saisir la justice, estimant que les ordres présidentiels «compromettent l’État de droit». Ils ont déposé des recours devant la justice fédérale pour demander la suspension des mesures imposées par le Président. Au moins trois juges fédéraux ont jugé que les décrets étaient dangereux et perturbateurs [4], et ont émis des ordonnances de restriction temporaires, suspendant ainsi l’application des principales dispositions des décrets pendant la durée du litige. Lors d’une audience à laquelle a participé le Ministre de la Justice, ce dernier a défendu les mesures prises par le gouvernement, qualifiant les cabinets de «catastrophistes» voyant «une série de conséquences hypothétiques qui ne se sont pas encore matérialisées et qui ne se produiront peut-être jamais».
Finalement, plusieurs juges fédéraux ont annulé de manière permanente les ordres exécutifs émis par l’administration Trump à l’encontre de Perkins Coie, Jenner & Block et WilmerHale, arguant notamment qu’ils violaient des principes constitutionnels fondamentaux. À ce jour, l’administration Trump n’a pas interjeté appel des décisions ayant annulé les décrets, de sorte que leurs effets demeurent suspendus, tandis que les litiges se poursuivent et seront vraisemblablement tranchés en dernier ressort par la Cour suprême.
Le soutien de la Communauté Juridique
Les cabinets plaignants, ainsi que plusieurs avocats et cabinets ayant présenté des mémoires amicus curiae, ont soutenu que les décrets représentent une attaque contre l’indépendance des avocats — ce qui constitue à leurs yeux une attaque contre la démocratie constitutionnelle et l’État de droit. Ils considèrent que les actions du pouvoir exécutif affaiblissent le rôle de l’avocat en tant que garant indépendant de la justice, rappelant que les avocats et les conseillers juridiques ne sont pas des fonctionnaires des États-Unis, mais des officiers de justice [5].
Tant les cabinets ayant choisi de porter l’affaire en justice que les amici estiment que les décrets violent le Premier Amendement de la Constitution américaine (garantie de la liberté d’expression et de la liberté d’association), le Cinquième Amendement (droit à une procédure régulière), ainsi que les articles I et III de la Constitution, qui encadrent la séparation des pouvoirs du gouvernement fédéral. Selon eux, ces décrets constituent un abus de pouvoir de l’exécutif et interfèrent directement avec l’exercice indépendant de la justice.
Un Changement Structurel dans la Séparation des Pouvoirs
Mais jusqu’où va le pouvoir des juges de première instance pour bloquer les politiques d’un Président à l’échelle nationale? L’administration Trump a demandé que ce pouvoir soit limité, ce qui impliquerait davantage de contentieux et plus de temps pour freiner des politiques fédérales.
La question procédurale n’est pas secondaire. Si la Cour suprême détermine qu’un juge fédéral de première instance ne peut pas suspendre une mesure au niveau national, il existe un risque que le Président applique des mesures contestées pendant des mois, voire des années, avant que la Cour ne se prononce sur le fond. À ce moment-là, le dommage pourrait déjà être irréversible et la décision inefficace.
Lors d’une audience tenue le 15 mai, au cours de laquelle la Cour suprême a entendu les plaidoiries dans trois affaires regroupées: Trump contre CASA, Inc., Trump contre Washington et Trump contre le New Jersey [6], D. John Sauer, représentant le gouvernement fédéral, a déclaré vouloir éliminer ces mesures provisoires nationales afin d’éviter la possibilité de forum shopping (la recherche d’une juridiction plus favorable) et la possibilité qu’une mesure validée soit bloquée par la décision d’un seul juge. La Cour suprême ne s’est pas encore prononcée, mais une décision est attendue dans les prochaines semaines.
Le Congrès a également abordé la question, bien que de manière divisée selon les lignes partisanes. La Chambre des Représentants — contrôlée par les républicains — a adopté un projet de loi visant à restreindre le pouvoir des juges fédéraux de première instance d’émettre des mesures provisoires à portée nationale. Toutefois, il est peu probable qu’une initiative similaire aboutisse au Sénat, où le soutien démocrate serait nécessaire [7].
Conclusions
Le jeu politique aux États-Unis ne concerne désormais rien de moins que l’équilibre même entre les pouvoirs. La conception traditionnelle des tribunaux comme garde-fou essentiel contre toute tentative du Congrès ou de l’exécutif de monopoliser le débat et usurper l’autorité va-t-elle prévaloir ? Ou bien les États-Unis basculent-ils vers l’expression la plus pure du présidentialisme, où un mandat électoral suffit à justifier que l’exécutif mette en œuvre des politiques controversées, sans l’interférence d’un seul juge remettant en question la volonté populaire?
Ce changement structurel institutionnel ne compromet pas seulement l’équilibre démocratique interne des États-Unis; il crée un précédent susceptible d’impacter la communauté juridique internationale. Dans un monde organisé autour des principes de l’État de droit et de l’indépendance du pouvoir judiciaire, toute menace contre le rôle de l’avocat touche l’ensemble de l’écosystème juridique mondial. Les pays qui partagent ce modèle juridique observeront avec attention l’issue du bras de fer constitutionnel entre les grands cabinets d’avocats et l’administration Trump.
Notes
[1] The White House. Addressing risks from Paul Weiss (La Maison-Blanche. Abordant les risques de Paul Weiss). https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/2025/03/addressing-risks-from-paul-weiss/.
[2] The White House. Presidential Actions. (La Maison-Blanche. Décisions et décrets présidentiels). https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/.
[3] Le Président a justifié cette mesure en affirmant qu’elle visait à garantir que les dollars des contribuables ne soient plus versés à des contractants dont les revenus subventionnent des activités qui ne sont pas en accord avec les intérêts des Etatsuniens.
Notes
[4] Judges block Trump orders targeting two law firms as Skadden cuts deal (Les juges bloquent les ordres juridiques de Trump dirigés à deux cabinets d’avocats pendant que Skadden signe un accord. https://www.reuters.com/legal/jenner-block-sues-us-government-following-trump-executive-order-2025-03-28/
[5] Case 1:25-cv-00716-BAH Document 83-1 Filed 04/07/25. “Brief of amici curiae bar associations in support of plaintiff’s motion for summary judgment and for declaratory and permanent injunctive relief”. (Ecrit des amici curiae en soutien à la demande de décisions sommaires et de mesures déclaratoires et conservatoires permanentes).
[6] Argument transcripts (Arguments transcrits)
[7] House passes bill restricting district court judges from issuing nationwide injunctions (La Chambre adopte un projet de loi restreignant aux juges des tribunaux de district le pouvoir de prononcer des mesures provisoires à portée nationale).
Si vous souhaitez discuter de cette question avec les avocats de Wiener Soto Caparros, n’hésitez pas à contacter notre auteur.
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Cet article est basé sur des informations accessibles au public et n’a qu’une valeur informative. Il n’a pas pour objet de fournir un avis juridique ou une analyse exhaustive des questions qu’il mentionne.
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